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La ménopause après le cancer du sein

Témoignage de Sarah Baril

Diagnostic de cancer du sein triple négatif de stade 3 en 2019

Ça fait maintenant plus de trois ans que je suis en rémission d’un cancer du sein triple négatif. On peut dire que ça a été toute une aventure. D’ailleurs, cette fameuse aventure est loin d’être terminée. Le cancer bouleverse complètement le quotidien pendant les traitements, mais certains des effets secondaires sont présents à long terme, voir pour toute la vie. 

Aujourd’hui, je voulais aborder un aspect qui accompagne fréquemment le cancer du sein, et qui reste pourtant méconnu de la population générale : la ménopause induite par les traitements.

Je suis en ménopause depuis l'âge de 33 ans

Durant ma période de chimiothérapie, j’ai eu une rencontre avec une spécialiste en génétique afin de faire les tests appropriés pour découvrir si j’étais porteuse d’une mutation génétique. Le but était de comprendre si quelque chose pouvait expliquer l’origine de mon cancer du sein triple négatif à seulement 32 ans. Les tests se sont révélés positifs pour la mutation BRCA2, une mutation qui augmente considérablement les risques de cancer du sein et de cancer des ovaires, ainsi que d’autres types de cancers à moindre échelle, comme celui du pancréas. 

À l’automne 2020, je retournais donc en salle d’opération pour subir une salpingo-ovariectomie, c’est-à-dire le retrait des ovaires et des trompes de Fallope. Cette chirurgie avait lieu de manière préventive, afin de tenter de limiter le risque que je sois atteinte d’un éventuel cancer des ovaires. Je suis donc officiellement en ménopause depuis l’âge de 33 ans. Je ne suis pas la seule à affronter la ménopause après un cancer du sein, loin de là. Pas besoin d’être porteuse d’une mutation génétique pour y faire face, les symptômes de la ménopause frappent de plein fouet les femmes qui doivent prendre de l’hormonothérapie, le traitement à long terme qui accompagne un diagnostic de cancer hormonodépendant, soit  le type de cancer du sein le plus répandu. On peut donc dire que le cancer du sein est souvent suivi des symptômes de la ménopause et ce, peu importe l’âge.

La ménopause vient avec une multitude de symptômes allant des plus communs comme les bouffées de chaleur, aux plus tabous comme la perte de libido. Je me suis donc dit que ce serait pertinent d’écrire un article où ces fameux symptômes sont mis à l’avant sans censure. Sans plus attendre, voici le dévoilement de mes symptômes de ménopause, en toute transparence.

Les fameuses bouffées de chaleur

J’ai chaud, mais pas juste un peu. Quand la bouffée de chaleur arrive, elles sont précédées de ce que je pourrais décrire comme étant un sentiment d’angoisse étrange. J’ai quelques palpitations, je suis nerveuse, puis la température monte doucement. En quelques secondes, je deviens rouge comme une tomate et je transpire à profusion. Chez moi, c’est la nuit le pire moment. Je sors des couvertures à toute vitesse pour trouver la partie la plus fraîche du lit en attendant impatiemment la fin de cette minute désagréable. Je rêve de rouler dans la neige. Le pire est quand la fameuse bouffée de chaleur apparaît alors que je suis en pleine conversation avec quelqu’un que je connais moins et à qui je n’ai pas encore expliqué mon quotidien. 

Pour contrer les bouffées de chaleur, quelques traitements peuvent être envisagés par le médecin traitant, comme l’Effexor, un antidépresseur qui agit sur la même zone du cerveau qui est en cause. On peut aussi tenter d’intégrer la médecine alternative, comme l’acupuncture et même un suivi psychologique, qui a démontré des résultats lors d’études cliniques. 

Palpitations et troubles cardiaques

Quand je me couche le soir, mon cœur s’emballe. C’est souvent suivi d’une bouffée de chaleur intense. Mon cœur se met à battre de plus en plus rapidement, ce qui m’angoisse à chaque fois. Depuis la ménopause, j’ai des palpitations. 

La ménopause induite, provoquée par un traitement, augmente le risque de maladies cardiaques. Les changements hormonaux entraînent une hausse de la pression artérielle, des niveaux de cholestérol déséquilibrés et une rigidité des vaisseaux sanguins. Pour prévenir des complications, maintenir un mode de vie sain, incluant une alimentation équilibrée et de l’exercice, devient essentiel. C’est dommage parce que la ménopause est aussi accompagnée de symptômes qui donnent tout sauf envie de faire de l’exercice de mon côté. Je n’ai plus d’endurance. Je me blesse facilement, et je m’épuise rapidement. C’est une constante bataille entre mon physique et mon mental, en tentant de trouver un équilibre qui me permet de bouger sans empirer ma situation. Pour celles qui souhaitent se mettre en forme sans trop en faire, la marche est un outil sécuritaire et efficace, qui permet d’activer son système sans le brusquer. 

L'anxiété après un cancer

Les fluctuations hormonales peuvent contribuer à des symptômes anxieux. De plus, le diagnostic, les traitements du cancer, les suivis, les examens de routine et tous les effets secondaires qui vont suivre engendrent bien souvent de l’angoisse. La gestion de l’anxiété pendant la ménopause peut nécessiter un soutien médical et un soutien psychologique peut être fortement bénéfique. 

Je dois dire que j’étais quelqu’un de plutôt zen avant le cancer, et même pendant la période intensive des traitements. L’étape de la rémission est la pire partie pour moi. J’ai d’ailleurs écrit le texte « Vivre avec la peur de la récidive » sur le sujet. Cette peur de la récidive me pousse à vouloir à tout prix éviter les hôpitaux, et chaque petit symptôme me fait craindre le pire. La mutation génétique que j’ai me pousse à m’inquiéter constamment pour le futur de mes enfants. J’ai perdu ma naïveté face à la fragilité de la vie. J’ai donc pris la décision d’être suivie en psychothérapie pour tenter de mieux gérer le tout. Le simple fait de parler ouvertement de la maladie à quelqu’un d’externe fait du bien. Ce qui peut aussi apporter beaucoup de support, c’est les groupes de soutien. 

Pour celles qui ont eu un cancer du sein, le groupe Facebook “La vie après le cancer” est un super lieu pour échanger avec d’autres femmes qui comprennent et qui partagent les mêmes défis.

Insomnie

Qu’ont en commun les bouffées de chaleur, les palpitations et l’anxiété? Elles ont toutes un rôle à jouer dans la qualité du sommeil. C’est quoi dormir 8 heures par nuit? Je ne sais plus ce que ça veut dire. Je suis satisfaite quand j’arrive à dormir 6 belles heures en ligne. La baisse du niveau d’œstrogènes contribue à rendre le sommeil moins stable et a une influence sur la production de mélatonine, une hormone qui régule le sommeil. Pour régler ce problème, il faut travailler individuellement sur les causes. On peut aussi opter pour un supplément de mélatonine, voir un somnifère si la situation affecte lourdement le quotidien. Le mieux est d’en discuter avec son médecin pour voir s’ il existe quelques solutions pour aider. De mon côté, je dirais que c’est endurable donc je fais un peu de yoga, j’essaie de méditer et je survis plutôt bien avec mes quelques heures de sommeil profond par nuit.

femme qui baille avec cadran, verre de lait, fond rose quadrillé, table bleue

La prise de poids à la ménopause

Mon métabolisme a décidé de prendre sa retraite à 33 ans et de me laisser avec un abonnement permanent aux leggings extensibles. Sans blague, c’est le point que je trouve le plus difficile, je crois. J’ai pris plus de 30 livres en ne changeant absolument rien, c’est-à-dire que je ne mange pas plus qu’avant. J’engraisse en regardant de la nourriture. 

Les œstrogènes ont un rôle dans la régulation de la répartition des graisses dans le corps. Lorsque les niveaux d’œstrogènes diminuent pendant la ménopause, ça peut conduire à une redistribution de la graisse, favorisant son accumulation autour de la région abdominale. Le corps fait des réserves! Le métabolisme ralentit, ce qui contribue à prendre du poids facilement pour plusieurs. Ça demande beaucoup plus d’efforts pour arriver à le perdre. Pas de remède miracle pour la prise de poids. Les saines habitudes de vie restent la clé. 

Fatigue chronique

Maintenant, qu’ont en commun les fluctuations hormonales, l’insomnie, la prise de poids, et l’anxiété? La fatigue chronique. Un jour à la fois, un petit défi à la fois, la vie après le cancer, nécessité de l’adaptation et de l’écoute de son propre corps. On doit apprendre à respecter nos nouvelles limites, qui ne sont probablement pas les mêmes qu’autrefois. 

Mon niveau d’énergie est plus traître aujourd’hui. Je sais que si j’en fais trop une journée parce que j’ai soudainement un grand regain de volonté, je vais payer le prix le lendemain et être complètement exténuée. Je commence à comprendre comment naviguer à travers cette nouvelle réalité de femme qui n’a physiquement pas l’âge qui se trouve sur mon certificat de naissance. Il faut prendre le temps d’offrir à son corps le repos qu’il mérite après cette grande épreuve, tout en restant conscient que l’exercice est nécessaire pour reprendre des forces.

Osthéoporose et douleurs articulaires

La ménopause est souvent associée à l’ostéoporose et aux douleurs articulaires en raison de la diminution du niveau d’œstrogènes, encore une fois. La perte d’œstrogènes peut contribuer à une diminution de la densité osseuse, augmentant ainsi le risque d’ostéoporose. De plus, les changements hormonaux peuvent également influencer les articulations, entraînant des douleurs et une susceptibilité accrue aux problèmes articulaires. Une alimentation équilibrée riche en calcium, des suppléments de vitamine D et de calcium au besoin, un exercice régulier, des examens de densité osseuse au besoin et des discussions avec un professionnel de la santé pour trouver des solutions peuvent aider à atténuer ces problèmes.

aliments riches en calcium, brocoli, légumineuses, lait de vache, oranges, amandes

Sécheresse de partout, partout, partout...

Le désert s’est installé en moi. La sécheresse pendant la ménopause est attribuée, encore une fois, à la diminution des niveaux d’œstrogènes. Cette diminution affecte différentes parties du corps, notamment les yeux, la peau et… le vagin. Oui oui, j’ai nommé cette partie du corps encore bien tabou. 

Les yeux peuvent devenir secs et irrités, ce qui est inconfortable. Heureusement, des larmes artificielles peuvent aider à régler ce petit souci. La peau peut perdre de sa souplesse et devenir plus sèche, donc une hydratation optimale en buvant beaucoup d’eau et l’utilisation de crèmes hydratantes nourrissantes pour le peau sont un must au quotidien. Finalement, le sujet sensible qui est pourtant bien naturel est le vagin. La sécheresse vaginale peut entraîner une gêne importante, un inconfort et des rapports sexuels douloureux, ce qui n’est pas sans impact autant pour soi-même que pour le couple. L’impact du cancer sur les différents aspects de la vie amoureuse est d’ailleurs un sujet qui mériterait un article tout entier. Bref, un lubrifiant vaginal au besoin ou même un traitement au quotidien peut aider à soulager ces symptômes. Consulter un professionnel permet d’obtenir une prescription pour une solution adaptée à chaque situation.

La baisse de libido suite aux changements hormonaux

Les changements hormonaux associés à la ménopause peuvent affecter le désir sexuel de manière assez brutale. Les hormones sont au cœur de notre désir de reproduction. C’est en quelque sorte notre signal interne pour repeupler la planète. Une fois la ménopause atteinte, plus besoin de procréer, et donc, un désir de sexualité fortement diminué peut s’installer doucement (ou rapidement). Sur ce plan, un suivi avec un sexologue peut apporter une certaine aide. 

La perte de libido reste un défi parfois difficile pour les couples. Ce n’est pas évident de se retrouver avec un désir sexuel à peu près nul, surtout quand on sait que le cancer peut frapper à n’importe quel âge. Je ne vais pas entrer dans les détails de ma vie privée, mais je dois dire que c’est un des effets secondaires que je trouve difficile. Je ne pensais jamais être en ménopause dans la trentaine. Je croyais que j’allais être dans la fleur de l’âge! Ce qui m’aide personnellement est la communication dans le couple, la complicité, l’ouverture et bien sûr, l’utilisation de lubrifiants. Il ne faut surtout pas être gêné d’en parler ouvertement. La sexualité ne devrait pas être un sujet tabou.

femme avec image d'une batterie vide

Quand rémission rime avec dépression

Tout comme la période du syndrome prémenstruel, la ménopause est accompagnée de son lot d’émotions. Je dois dire que je suis extrêmement chanceuse à ce niveau. J’avais des hormones très intenses avant la ménopause et mon humeur s’est maintenant stabilisée. J’ai la chance de vivre un impact positif de la ménopause, en plus de la célébration de la fin des menstruations. Je suis plus patiente, plus calme, moins impulsive, etc. 

Les changements hormonaux influencent les neurotransmetteurs dans le cerveau, affectant l’humeur et le bien-être émotionnel. Parfois positif, souvent négatif, ce changement se fait ressentir à la ménopause, mais aussi à l’étape de la rémission. C’est étrange non? On devrait tous être heureux d’être en rémission, mais ce n’est pas si simple que ça. Le cancer laisse des traces lourdes de conséquences et il est parfois très difficile de naviguer dans cette nouvelle réalité. La vie ne sera plus jamais la même, et ce n’est pas simple à accepter. 

La gestion de ces symptômes peut impliquer des approches variées, autant au niveau médical que sur le plan personnel. Je pense sincèrement que la clé réside dans trouver des outils qui fonctionnent pour nous, car nous sommes tous différentes. Ce qui fonctionne pour une personne ne fonctionnera pas nécessairement pour l’autre. Il ne faut pas hésiter à aller chercher de l’aide. Il n’y a absolument aucune raison de ressentir de la honte face aux symptômes dépressifs qui peuvent suivre un cancer. Au contraire, la maladie est une épreuve difficile et il est tout à fait normal d’avoir besoin d’un coup de pouce pour arriver à remonter la pente. S’entourer est crucial, que ce soit par des proches, des amis, des groupes de soutien ou des spécialistes. 

Mes outils préférés pour la gestion des émotions, ainsi que pour la gestion de la plupart des symptômes ci-dessus, sont la méditation, l’écriture, et la danse. La méditation repose l’âme, l’écriture aide à évacuer le méchant et la danse aide autant la santé physique que mentale. 

Vous souhaitez écrire, mais ne savez pas où? Visitez notre section témoignages pour partager votre texte. C’est bénéfique pour vous, et vous aidez par le fait même d’autres femmes à comprendre qu’elles ne sont pas seule dans cette aventure. 

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