témoignages & expériences sur le cancer, sans censure

témoignages, informations et outils sur le cancer du sein

Vivre avec la peur de la récidive

Témoignage de Sarah Baril

Diagnostic de cancer du sein triple négatif de stade 3 en 2019

Ça fait maintenant trois ans qu’aucune trace de cancer n’est détectée lors des examens de suivi. Durant les traitements, je me rappelle avoir rêvé de ce jour à maintes reprises. Je me disais que la vie allait être simple après la maladie si j’avais la chance de m’en sortir. J’avais cette image d’une jeune femme en pleine forme, débordante d’énergie et toujours souriante.

Aujourd’hui, je prends conscience que la vie post-cancer présente des défis bien particuliers. Même s’il est vrai que je savoure chaque jour plus que jamais, je n’ai pas le sentiment de pouvoir laisser la maladie derrière. J’ai plutôt l’impression d’être dans une autre phase du cheminement, une étape encore une fois lourde en émotions. Une étape où j’apprivoise cette nouvelle réalité et où je cohabite avec la peur de la récidive.

Chaque symptôme me ramène au cancer

J’ai terriblement peur de faire une récidive. Chaque petit bobo me fait penser au pire.

Exemple : J’ai mal à la gorge depuis un certain temps. Les tests de streptocoque sont négatifs et la douleur ne me quitte pas. Je commence à angoisser. Un mal d’estomac s’installe graduellement par dessus le mal de gorge. L’anxiété augmente et commence à m’étouffer. Puisque je suis anxieuse en plus d’être en pleine ménopause, je ne dors plus. Je tourne dans le lit en ne faisant que réfléchir aux pires scénarios possibles:

« Ça pourrait être un cancer des amygdales? En plus, le mal d’estomac semble être exactement où se trouve mon pancréas. Et si c’était le cancer du pancréas? »

La peur m’étouffe de plus en plus et avec elle, les émotions négatives s’installent.

« Je ne veux pas revivre les épreuves épuisantes de la chimiothérapie, à genoux devant ma toilette à tenter de m’accrocher au peu d’énergie qu’il me reste. Je veux juste profiter de la vie! Je suis épuisée. Pourquoi j’ai toujours quelque chose qui cloche? J’aimerais tellement pouvoir me sentir bien, en pleine forme. »

Je sais que c’est ridicule quand on regarde la situation de l’extérieur. Qui panique pour un simple mal de gorge? Le problème est qu’on pensait aussi que c’était ridicule que j’aie peur d’avoir le cancer du sein quand j’ai découvert la petite bosse sur ma poitrine. Même les médecins ne pensaient pas que j’avais le cancer. Je me souviendrai toujours de ce médecin qui m’a dit, quelques semaines avant le diagnostic : « Écoute Sarah, tu n’as rien alors va vivre ta vie! ». Je sais plus que jamais maintenant que le cancer est sournois. Au nombre d’histoires que j’ai entendu dans les dernières années, je sais que tout peut être un cancer.

La peur de revivre le même cauchemar

Je n’ai pas toujours été hypocondriaque, mais le cancer a profondément affecté ma santé physique, ce qui affecte ma santé mentale. On ne peut pas faire quatre mois de chimiothérapie agressive, avoir deux chirurgies et tomber en ménopause à 33 ans sans en ressentir les impacts sur sa santé. Le cancer a laissé des traces lourdes sur mon corps. Ces traces sont nouvelles et je dois les apprivoisent tranquillement. 

Je ne sais jamais si mes symptômes sont normaux ou inquiétants. Je n’ai vraiment pas la forme qu’une jeune femme de mon âge devrait avoir. J’ai la forme d’une femme qui a traversé une maladie grave et qui est ménopausée, ce qui aurait dû arriver un bon vingt ans plus tard.

J'ai de la difficulté à prononcer le mot rémission

Quand les gens me disent « Hourra! C’est terminé! Tu as vaincu le cancer! », une partie de mon coeur se serre. Je ne peux pas passer à autre chose et mettre le cancer aux oubliettes. Pour moi, ça ne sera jamais vraiment terminé. Il va toujours y avoir ce risque que le cancer revienne ou que des métastases surgissent. La réalité est que personne ne sait ce qui va arriver.

J’aime utiliser cette image pour expliquer ma vision de la maladie :

J'ai l'impression d'avoir mis le cancer dans une bouteille et de l'avoir jeté à la mer. Je regarde la bouteille flotter doucement au large en suivant le mouvement de l'eau. Malgré le fait que la bouteille ne se trouve plus dans mes mains, je sais très bien qu'elle peut revenir jusqu'à moi si une vague se présente.

Bouteille à la mer

La culpabilité de se plaindre

Je suis consciente de l’incroyable chance que j’ai d’être encore en vie, mais je trouve ça difficile qu’on ne parle pas plus ouvertement de l’après-cancer.

Je ne devrais pas me plaindre. Je suis encore là aujourd’hui pour serrer mes enfants dans mes bras. Combien de femmes atteinte du même type de cancer se sont envolées dans les dernières années? Elles auraient tellement rêvé d’être à ma place. Je me trouve faible. Je culpabilise quand je m’écoute chialer pour les effets secondaires persistants ou les symptômes d’anxiété.

Pourtant, je suis la première à dire aux autres qu’ils ont le droit de trouver la vie difficile peut importe les défis auxquelles ils font face. On est tous humains. Nos émotions sont légitimes, même si certains vivent bien pire que nous.

Je navigue entre la gratitude et l'incertitude

Je le répète souvent, la vie après le cancer n’est pas rose comme le ruban. Elle est parfois très colorés et parfois un peu plus grise. C’est une vie est riche en émotions, tout comme la vie durant la maladie. En fait, je parle de maladie mais je pense que la vie en général, peu importe notre situation, est remplie de hauts et de bas. Je me souviens très bien des difficultés auxquelles je faisais face avant le diagnostic. Elles étaient différentes, mais tout aussi intimidantes à leur façon. C’était ce que je connaissais. Je ne m’en faisais pas avec le cancer, mais je m’en faisais avec l’argent, les tâches ménagères, la pression de performer dans toutes les sphères de ma vie, la vie de couple, les enfants qui ne dormaient pas la nuit, etc.

Aujourd’hui, ces choses n’angoissent vraiment pas autant. Cependant, j’ai peur de la récidive et de la mort. J’ai appris à savourer la vie comme jamais durant ces dernières années et je ne veux pas que ça cesse.

Mettre les pieds dans un appareil de scan me donne des frissons dans le dos. Les mauvais souvenirs apparaissent en boucle. Les moments d’attente des résultats sont insoutenables. Les fameux appels avec numéro masqué, ce qui signifie généralement l’hôpital, restent difficiles à décrocher même après trois ans.

D’un autre côté, la beauté d’avoir la conscience d’être en vie me permet de profiter d’émotions tellement profondes. Le moment présent représente tout à mes yeux alors que je le prenais pour acquis avant la maladie. Les émotions se mélangent entre elles dans un même moment. Ça me fait penser à un moment au bord de la mer lors de notre voyage en Gaspésie cet été.

Je suis assise devant la mer et je regarde le paysage absolument magnifique. Le son des vagues et l'air frais m'apaisent. Je suis reconnaissante d'être en vie. J'inspire profondément et je pense à ce rêve d'avoir ma petite maison ici un jour. À ce moment, l'angoisse arrive de plein fouet. Si le cancer refait surface, ce rêve va s'effondrer.

Femme assise devant la mer

L'après-cancer : Une relation de haine et d'amour

La vie après le cancer possède une beauté inattendue. C’est une révélation du vrai sens du mot « vivre ». C’est l’opportunité de se débarrasser de ce qui nous rendait malheureux et de savourer chaque instant. C’est une leçon qui nous permet de choisir une vie plus authentique, plus profonde et plus réelle, en pleine conscience.

Les cicatrices laissées par la maladie deviennent les marques d’une bataille, là pour nous rappeler notre force intérieure et notre désir de vivre. Cette bataille nous permet de nous découvrir comme personne. Comme on dit, chaque épreuve fait grandir.

La vie après le cancer est aussi intimidante, lourde de conséquences et angoissante. On a frôlé la mort. Au passage de la tempête, la maladie a laissé des débris qu’il faut maintenant nettoyer. Certains dommages sont irréparables alors que d’autres peuvent être recollés.

La vie après le cancer est un mélange de haine et d’amour. La haine des blessures et des traumatismes. L’amour des apprentissages et de la vie.

Partager ce témoignage

Facebook
Twitter
LinkedIn

Découvrir d'autres histoires

Défi Vélo plein air pour ACEQ, deux femmes

Ma vie n’est pas juste la maladie

J’ai reçu mon diagnostic de cancer du sein inflammatoire en février 2017, à l’âge de 45 ans. Je sais que certaines personnes sont plus jeunes que moi lorsqu’elles reçoivent un tel diagnostic, mais le monde s’est effondré pour moi, et la vie ne sera plus jamais la même.

Lire plus →