La ménopause après le cancer du sein
La ménopause après le cancer du sein est beaucoup plus fréquente qu’on ne le pense. Des bouffées de chaleur à la perte de libido, explorons sans tabou les symptômes qui l’accompagnent.
Témoignage de Sarah Baril
Diagnostic de cancer du sein triple négatif de stade 3 en 2019
J’essaie de garder le moral et de profiter de la vie. Si vous me croisez quelque part, j’aurai fort probablement un gros sourire. La vie est tellement plus douce quand on arrive à rire des épreuves qu’elle glisse sur notre chemin.
J’ai l’impression que pour certains, c’est impossible que je sois heureuse en ce moment. Parce que j’ai le cancer, je devrais être démolie en permanence. On me répète toujours « Pauvre toi, c’est tellement épouvantable. Tu es trop jeune. La vie est injuste! ». C’est vrai que la vie est injuste. Pourtant, si je regarde dans mon entourage, les femmes incroyables que je côtoie qui ont aussi un cancer sont probablement les personnes les plus heureuses que je connaisse.
C’est probablement grâce à la maladie, aussi étrange que cela puisse sembler. La maladie est extrêmement difficile par moment, mais elle fait prendre conscience de la fragilité de la vie. Cette prise de conscience donne envie de profiter de chaque instant, de prendre les choses moins au sérieux. Fini les petits drames avec un rien, les chicanes inutiles ou l’angoisse de performer au travail. Terminé les relations toxiques, la pression sociale et la mission de tout planifier des années d’avance. Tout ça n’est pas important. L’important est de vivre.
La maladie brise les chaînes et permet de comprendre une chose bien importante : On va tous mourir un jour, alors aussi bien profiter de la vie aujourd’hui avant qu’il ne soit trop tard.
Malgré le fait que je parle régulièrement de positivisme et que j’essaie de l’appliquer le plus possible, je trouve ça important de vous dire que parfois, je craque. Par moment, je dois ouvrir la valve et laisser les émotions sortir. Le cancer n’est pas tout rose. Il est aussi gris et même, plutôt noir par moments. C’est impossible d’être toujours positif, et c’est correct.
Après des mois de bonne humeur, avant-hier, j’ai éclaté en sanglots comme un bébé. Je n’ai pas eu de mauvaise nouvelle, la guérison de mes plaies se passe bien et la chirurgienne a fait un super travail. J’avais juste un trop plein d’émotions qui devait sortir.
Juste après la chirurgie, je me suis gâtée. J’ai renouvelé ma garde-robe en ligne question d’avoir des morceaux plus flatteurs pour ma nouvelle poitrine plate. J’avais beau avoir des petits seins, mes vêtements ne me font simplement plus. Décolleté trop lousse, coupe qui ne m’avantage pas, mon corps a changé.
J’ai fait une belle grosse commande en ligne avec quelques chandails et robes pour l’été. Jeudi, ça sonne à la porte et c’est ma commande qui arrive. J’ouvre le colis, excitée comme un enfant à Noël et… Tout est laid. Rien à faire, ça doit retourner dans la boîte.
Je soupire un bon coup. C’est juste des vêtements, rien de dramatique. Je sens pourtant la boule d’émotions commencer à m’envahir.
« Voyons Sarah, pourquoi ça te fâche autant? ».
Je descends au sous-sol pour imprimer l’étiquette de retour du colis et mon imprimante ne veut rien savoir. Manque d’encre, message d’erreur, connexion impossible, elle ne veut pas imprimer mon bon de retour. Ça fait 20 minutes que j’essaie. Finalement, elle avale la pile de papier au complet d’un coup. Ça fait un bruit d’enfer.
« Ah! Tout va mal aujourd’hui! ».
Je tire sur le papier, mais il reste coincé au beau milieu de l’imprimante. C’est impossible de le faire glisser. Je tire plus fort et les feuilles déchirent. Je suis en pleine bataille contre l’imprimante! Je «pogne les nerfs». Ce n’est vraiment pas mon genre de me fâcher après un objet mais là, je lâche quelques sacres. Je donne un bon coup rapide pour essayer de sortir le papier, tout en grognant.
Je ne suis pas supposé forcer pour un bon bout de temps, mais ma tête de cochon déteste demander de l’aide, donc je me fais mal. J’ai l’impression que le dessous de mon aisselle vient d’arracher. Je viens de me faire enlever deux seins. C’est loin d’être le temps de forcer pour une telle niaiserie! Je remonte à l’étage découragé, en colère après moi-même et en douleurs.
Je vais vider mes drains. Je déteste mes drains. Ça me fait mal, c’est fatiguant, inconfortable et constamment dans le chemin. Ils m’énervent plus que d’habitude aujourd’hui. En plus, le pansement qu’on m’a fait à l’hôpital la veille ne tient plus. Il décolle de partout, le liquide coule par les trous. Je vais devoir retourner au CLSC si ça continue, et je retire encore 30 ml. La chirurgienne a donné son mot d’ordre:
«On enlève les drains à moins de 10 ml par côté/24 heures pendant deux jours consécutifs.»
Je ne vais jamais y arriver! C’est interminable! Je suis vraiment écœurée. Je vais dans la cuisine pour prendre des Tylenol parce que j’ai mal, mais je n’y arrive pas. Elles sont trop hautes. Interdiction de lever les bras plus haut que les épaules! Je n’ai pas le choix de demander de l’aide. Je ne veux pas demander de l’aide. J’ai 32 ans. Je suis capable de prendre des foutues pilules moi-même! Et ça commence…
Je sens la boule monter. Ma gorge se serre et mes yeux se remplissent d’eau. Je déteste ne pas être autonome! Une larme coule sur ma joue. Mon chum s’approche. J’essaie de me contrôler, de ravaler ma peine. Je ne peux plus respirer tellement les émotions montent. Je sais que s'il me touche, je vais éclater.
J’ai mal partout, j’ai perdu mes seins, j’ai empoisonné mon corps. Imagines si j’ai fait tout ça pour rien! Je vais peut-être juste mourir! Mes cheveux repoussent tout croche et j’ai l’air d’un petit monsieur semi-chauve. J’ai pris du poids, je n’ai plus de muscles. Je ne peux rien faire avec mes bras. Je ne vais même pas pouvoir planter mon jardin. Je suis fatiguée, j’ai mal et je suis vraiment tannée de ne pas être bien! Le Covid m’empêche de voir les gens et je m’ennuie de mes amies. En plus, ma nouvelle garde-robe est laide et l’imprimante a bouffé tout le papier!
C’est comme ça les émotions qui accompagnent le cancer. Des hauts et des bas, des montagnes russes de rires et de pleurs. Il faut parfois que ça sorte et quand ça arrive, dans mon cas, c’est soudain et drastique. C’est correct. Je n’ai pas besoin d’être forte. Je n’ai pas à cacher mes émotions. C’est bon de pleurer un coup parfois. C’est bien normal de ne pas toujours sourire.
Ça m’arrive de trouver ça vraiment ruff et d’avoir envie de tout abandonner. Ça m’arrive de dire : « Pourquoi moi! C’est injuste! ». Une fois de temps en temps, si tu sonnes chez moi, je vais être en pyjama avec des gros cernes en dessous des yeux, la larme à l’œil avec 12 boîtes de mouchoirs vides à côté de ma table de chevet. Pas de sourire, pas de blague sur mon état comme je fais la majorité du temps, juste une fille déprimée qui n’a pas l’énergie de se battre.
Je parle de positivisme et de profiter de la vie, mais il m’arrive souvent d’être démoralisée. Je trouve ça important de le dire.
Le cancer, c’est lourd. Non, ce n’est pas facile. Non, ce n’est pas tout rose comme le beau ruban qui est en vente un peu partout. Si j’avais à créer un ruban pour le cancer du sein, je le ferais rose, mais j’arracherais un bout pour montrer que ça laisse des marques et j’ajouterais quelques taches grises pour représenter les émotions lourdes qui accompagnent la maladie.
Il y a du beau, il y a du laid et il y a tout ce qui se trouve entre les deux lorsqu’on traverse un cancer. De mon côté, avant-hier était laid, aujourd’hui est beau et demain reste à voir.
(J’ai la chance d’être assise derrière mon écran à rire un peu de ce que je viens d’écrire parce qu’avec le recul, il faut dire que la bataille avec l’imprimante est plutôt ridicule. Et oui, l’imprimante a toujours le dessus au moment de l’écriture de ces lignes.)
La ménopause après le cancer du sein est beaucoup plus fréquente qu’on ne le pense. Des bouffées de chaleur à la perte de libido, explorons sans tabou les symptômes qui l’accompagnent.
J’ai reçu mon diagnostic de cancer du sein inflammatoire en février 2017, à l’âge de 45 ans. Je sais que certaines personnes sont plus jeunes que moi lorsqu’elles reçoivent un tel diagnostic, mais le monde s’est effondré pour moi, et la vie ne sera plus jamais la même.
Je venais tout juste d’avoir 30 ans, un mari extraordinaire et 2 garçons incroyables de 3 et 5 ans. On m’arrachait mes rêves, mon avenir…