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Dire adieu à ses seins – La mastectomie

Témoignage de Sarah Baril

Diagnostic de cancer du sein triple négatif de stade 3 en 2019

Moi, qui n’a aucun antécédent familial de cancer du sein, je ne pouvais me douter que ma poitrine allait un jour me trahir, tenter de me tuer. Je les aimais moi mes petits seins. Je les trouvais beaux, pas trop petits, pas trop gros. Après avoir donné naissance à mes enfants, ils ont servis de biberons.

À mon âge, on me dit que c’est difficile de bien vivre la perte de ses seins. On me recommande fortement la reconstruction mammaire, puis on me parle de la chirurgie plastique comme si c’était déjà décidé d’avance. On m’a même booké un rendez-vous avec la chirurgienne plastique. Je sais déjà que je ne veux pas de reconstruction. C’est étrange de dire ça aussi froidement, mais ma décision est prise. Je veux qu’on retire ma poitrine, point. Pourtant, la majorité des gens semblent croire que je vais le regretter. 

Prendre conscience

Il y a quelques semaines, je m’en faisais avec mon petit bouton sur le menton ou avec ma repousse de cheveux gris quand je sautais un mois de teinture. Avant mon diagnostique, mes priorités étaient loin d’être les mêmes. Aujourd’hui, je veux vivre. Je peux très bien serrer mes enfants dans mes bras avec deux seins en moins. Mon conjoint ne s’en fait pas avec ça non plus. Il est incroyable comme support! Il me rassure constamment sur le fait qu’il se fou bien que je n’aie plus de cheveux ou que je perde un ou deux seins, en autant que je continue à faire le ménage et ses lunchs. (C’est une blague.)

Moi, j’ai juste envie qu’on m’enlève une fois pour toutes cette montagne de cellules envahissantes qui veut ma peau. Je n’ai pas peur de la mastectomie, j’ai hâte. J’ai peur de la reconstruction. Il semblerait que c’est douloureux, puis il y a toujours le risque des implants cancérigènes comme on a pu le voir dans le passé, le rejet des implants, l’inconfort d’avoir deux corps étrangers dans la poitrine… Ça ne m’intéresse pas. 

Après un an à me battre contre un cancer, est-ce que je veux vraiment me casser la tête avec mon physique simplement pour avoir deux bosses dans mon chandail? C’est un choix que je respecte totalement, mais ce n’est pas le mien. 

Mon petit coco de 3 ans s’est mis à pleurer l’autre jour. Il m’a dit « moi j’aime toi avec deux seins! ». Pauvre petit coeur, qui ne comprend pas trop ce qui se passe… Ma fille m’a demandé s’ils allaient me mettre des seins robots. Que c’est drôle des enfants! Ça enlève le côté dramatique des choses. 

Les enfants vivent beaucoup d’émotions avec cette situation. Ça leur fait peur et c’est bien normal. Ils sont aussi bien jeunes pour comprendre ce qui arrive. Je fais mon possible pour les rassurer, mais ils savent bien que maman doit se battre pour sa vie. Ils arrivent à ressentir les émotions qui se trouvent dans la maison depuis le diagnostic. L’ambiance n’est plus la même. Si il y a une chose qui est difficile avec un diagnostic de cancer, c’est l’impact sur la famille.

De mon côté, je vais plutôt bien. Ma cicatrice de mastectomie sera ma marque de guerre. Si je gagne cette « bataille », je me promet de la porter fièrement. Elle sera là pour me rappeler que j’ai passé à travers une épreuve majeure. Avez-vous vu des tatouages de mastectomie? C’est magnifique, inspirant et rempli d’histoires. C’est peut-être ce que je ferai, dessiner mon histoire sur ma poitrine ou peut-être que je laisserai simplement les marques telles quelles. En attendant, j’ai encore un long parcours devant moi.

La mastectomie

Sarah Baril avec les drains suite à la mastectomie bilatérale sans reconstruction

Le 6 mai 2020, vers 8:00, j’étais à l’hôpital Jean-Talon de Montréal où l’on retirait mes deux seins. Avec un risque très élevé de cancer du sein causé par la mutation génétique BRCA2 dont je suis porteuse, la poitrine au complet devait partir. J’aime mieux ça de toute façon. Je ne vais pas avoir cette peur de récidive dans l’autre sein, bien que je reste consciente que le cancer peut revenir ailleurs.

La chirurgienne a fait un bien beau travail et tout s’est déroulé comme prévu. À 13:20, je me réveillais avec une partie de mon corps en moins et la tête très lourde de l’anesthésie et de la morphine. J’étais de retour à la maison le soir même. On devait me garder 24 à 48 heures, mais en temps de Covid, on oublie ça. De toute façon, on est bien mieux chez soi.

J’étais prête pour la mastectomie, alors je n’ai pas vraiment eu de choc. Ça fait des mois que je me prépare mentalement, que je visualise ce moment et que j’anticipe l’appel pour fixer la date. Le cancer est parti, ENFIN. Il est resté dans la salle d’opération avec mes mamelons, mes glandes mammaires, les ganglions sentinelles et une partie de la peau de ma poitrine, en plus d’une trentaine de ganglions. Adieu masse de cellules qui est venue troubler ma vie. J’espère ne jamais te revoir.

La convalescence de la double mastectomie radicale

Je n’ai pas eu de reconstruction. Ma chirurgienne a respecté mon choix et m’a fait un beau fini plat. Ce n’est pas toutes les femmes qui ont la chance d’avoir une chirurgienne à l’écoute de leurs envies et qui respecte pleinement leur choix. Je me considère très chanceuse d’avoir eu cette femme professionnelle et surtout, ouverte d’esprit. Adieu brassières! Je pourrai bientôt dormir sur le ventre sans avoir deux bosses dans le chemin. Il faut bien trouver le positif dans chaque situation!

J’ai pris des petits comprimés de morphine durant 24 heures, mais je préférais endurer un peu de douleur que les effets secondaires de la médication par la suite. La douleur est tolérable car les nerfs sont sectionnés sur la poitrine, donc il n’y a pas beaucoup de sensations. C’est un peu comme quand on va chez le dentiste et que notre visage est engourdit. La chose qui me dérange, c’est les drains! 2 poches suspendues à mon corps, de petits tuyaux qui entrent dans ma peau et se promènent dans mes plaies. Ça tire, c’est dans le chemin, c’est sensible, c’est de l’entretien, c’est un peu dégueulasse… On va me les retirer d’ici une ou deux semaines, quand ils vont accumuler moins de 10 ml par jour. Je vais célébrer ce jour-là en grand!

C’est étrange de perdre une partie de son corps. Hier, le mamelon me piquait atrocement. Je n’ai plus de mamelon. Douleurs fantômes, sensation de peau gelée, spasmes musculaires et nerveux… Mon corps essaie de se remettre tranquillement de cette aventure un peu irréelle.

La réalité un peu tabou des choix de mastectomie

J’ai bien hâte de voir le résultat qui va se cacher sous les pansements, d’apprivoiser ce nouveau corps et de retrouver ma mobilité. Je vais probablement vous le partager ce nouveau corps, parce qu’il n’y a aucune raison de se cacher. Je n’ai plus de seins, qu’une poitrine un peu meurtrie. Pourquoi devrais-je la cacher? Une femme sur 7 aura un diagnostique de cancer du sein dans sa vie. Que ce soit avec deux seins, un sein, aucun sein ou des seins de différentes tailles, une femme reste une femme toute aussi magnifique peu importe sa poitrine. Pourquoi est-ce encore si tabou?

Mes enfants réagissent aussi très bien à ce changement corporel. Ils oublient toujours que je me suis fait opérer et je dois constamment répéter de ne pas sauter à côté de moi pour éviter de m’accrocher. Ma fille de 6 ans a vu ma poitrine et les drains avec le sang et tout, puis m’a dit « c’est weird un tout petit peu », avec un gros sourire. C’est parfait. Je veux qu’elle voit qu’il n’y a rien de dramatique à cette opération. C’est important pour moi parce que si elle est aussi porteuse du gène, elle devra probablement se tourner vers une mastectomie préventive un jour. Je préfère ne pas trop y penser pour l’instant. Il reste encore 12 ans devant nous avant son test génétique, qui sera peut-être, je l’espère, négatif. On ne peut pas perdre 12 ans à angoisser avec quelque chose qui ne se produira peut-être même pas.

L'après-mastectomie : l'attente du résultat de pathologie

La suite pour moi? Je rencontre la chirurgienne dans deux jours pour voir si tout se passe bien au niveau de la guérison des plaies et de mes drains. Ensuite, j’attend impatiemment qu’on retire mes drains et que je puisse prendre une bonne douche car pour l’instant, c’est interdit.

Finalement, je rencontre l’oncologue dans quelques semaines pour le résultat de la pathologie, qui pourra alors préciser s’ il restait des cellules cancéreuses dans les tissus prélevés. C’est ce qui va me donner mon risque de récidive, ainsi que les traitements à venir. Un brin angoissant, mais on finit par être un peu immunisé à la peur avec le temps. Les émotions sont moins fortes qu’au début. Je suis déjà préparée au pire, en espérant quand même un résultat plus joyeux cette fois. Il ne reste qu’à croiser les doigts…


Pour lire la suite de mon histoire : Rester positif malgré tout

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